Usagi

"Tous mes jours sont comptés. Toutes les secondes, les minutes et les heures de mon existence comptent. Voyez-vous, ma mère a quitté mon père quand j'avais 3 ans. Je ne me souviens pas de lui, de sa voix ou même de son visage. Je ne l'ai jamais vu après cela d'ailleurs. Ma mère m'a élevée seule, je l'aime mais par moments j'ai l'impression de n'être qu'un poids pour elle. Vous savez, il y a des détails qui font que vous vous sentez de trop. Des remarques ou des sous-entendus qui vous font comprendre que si vous n'étiez pas né, et bien la vie serait meilleure. Je n'ai jamais demandé à être là. Je n'ai jamais reproché d'être ici non plus à qui que ce soit. Je n'en ai jamais voulu à mon père de ne pas avoir voulu de moi, même si j'ai souffert de son absence. Je n'ai jamais eu de frère, ni de soeur. Je n'ai jamais eu personne à qui me confier le soir, je n'ai jamais eu personne avec qui me disputer et je n'ai jamais eu personne avec qui rire devant un film. En plus de cela, je suis tombée malade. Une sorte de cancer incurable. Les médecins ont dit que je saurais obligé de prendre des médicaments toute ma vie. J'ai passé des mois à l'hôpital, sans nouvelles de mes amis à l'école. Personne n'est venu me voir d'ailleurs. J'ai eu des cours personnalisés et j'ai pris beaucoup d'avance. Je suis ce que l'on appelle une "intello". Je passais mon temps à étudier, la tête plongée dans la bouquins, puisque j'étais constamment clouée au lit. Je ne pouvais rien faire d'autre. J'ai eu beaucoup d'opérations, beaucoup de soucis. Les médecins ont dit que tout irait bien après cela, après ce lourd passage. Ils avaient raison, mais trois mois après, c'était encore pire. Maintenant, je ne peux plus respirer. Je dois traîner une bouteille d'oxygène avec moi et j'ai du arrêter tous les sports que j'avais enfin pu pratiquer. J'ai du faire une croix sur la natation, alors que bon dieu ce que j'aimais ça. Plus jamais je ne mettrais les pieds dans une piscine, plus jamais je ne pourrais faire de plongeons, car je suis à peine capable de rester en place sans bouteille. Alors faire de l'apnée n'est même pas envisageable pour les médecins. Ma mère a demandé si il n'y avait pas un traitement plus efficace pour que je puisse m'épanouir et avoir une vie normale. Evidemment, des traitements il y en a des tas, mais LE bon traitement, n'est pas forcément là. Certains docteurs ont proposé une solution mais par manque d'argent, je n'ai pas pu avoir y avoir accès. Il fallait payer, et vous vous doutez bien que, les soins ça ne coûtent pas rien. J'ai regardé au loin le traitement, sur Internet, sur des pages de magazines proposées dans les salles d'attentes. Mais jamais je ne pourrais l'avoir. C'est le seul remède qui pourrait calmer mon cancer. Malheureusement, je ne peux l'avoir et ma mère n'a pas les moyens de me le financer. Même si je travaillais, ça ne suffirait pas. Et aujourd'hui tous mes jours sont comptés, chaque seconde, chaque minute compte. Les médecins ont annoncé qu'il ne me restait plus qu'un mois. Il ne me reste qu'un mois pour réaliser mes rêves, un mois pour avoir vécu, un mois pour être une adolescente normale, un mois pour ne pas mourir en étant vierge, pour ne pas mourir en ayant jamais fumer, bu, ou en étant jamais allée à une soirée. Il me reste un mois pour me faire des amis et pour retrouver mon père. Il me reste un mois pour taguer une fresque monumentale dans la ville et faire la plus grosse blague du siècle. Je n'ai qu'un mois pour faire toutes ces petites choses aussi insensées et stupides qu'elles puissent l'être, toutes ces petites choses qui s'ajoutent les unes après les autres, mais bon sang il ne me reste que 31 jours. "